Les entraînements contrôlés : la méthode norvégienne est-elle révolutionnaire ?
- hugobetp
- 10 nov.
- 6 min de lecture
La méthode « norvégienne » ou la méthode contrôlée. Popularisée par les frères Ingebrigtsen, elle est aujourd’hui

adoptée par un grand nombre d’athlète élite. Cette dernière repose sur une idée simple : contrôler l’intensité avec une précision quasi clinique afin d'obtenir un volume d'entraînement massif, de qualité, tout en limitant la fatigue. On pourrait penser à un phénomène de mode, pourtant elle perdure, est basée sur des années de recherches scientifiques et fait gagner des titres. La distribution de l’intensité, le travail au seuil et le rôle clé du lactate comme variable de contrôle sont les fondement de cette méthode. Cette philosophie se base sur deux piliers : un volume important à faible intensité et un travail métabolique ciblé autour du second seuil, qui, pour les meilleurs et les plus tolérants est réalisé deux fois dans la même journée.
Pourquoi la méthode norvégienne et pourquoi la Norvège ?
La Norvège est un pays où l'activité physique outdoor est une norme sociale. Le ski de fond, sport national a su développer un attrait pour les entrainements exigeants. Des séances pointues et le goût du travail les a mener vers de multiples succès en ski de fond, biathlon, course en montagne ou tous sports d’endurance hivernaux. Depuis les années 1970, les fondeurs norvégiens utilisent déjà des volumes massifs à faible intensité (en dessous du 1er seuil), des séances au seuil minutieusement calibrées et un suivi physiologique avancé. (les fondeurs de l’époque comme
Oddvar Brå ou Ivar Formo réalisaient régulièrement 700 à 900 heures d’entraînement par an, dont une immense majorité en faible intensité). Les entraîneurs ont ainsi accumulé une expertise unique dans la gestion de charge, le contrôle du lactate et la compréhension fine des adaptations aérobies.
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que des entraîneurs comme Gjert Ingebrigtsen ou des triathlètes comme Blummenfelt et Iden aient adaptés ces principes à leur pratique d’endurance. Aussi dans les pays nordique, l’hiver est long, les conditions climatiques sont parfois rudes. L’utilisation intensive du tapis roulant ou home-trainer ont également contribué au développement d’une approche contrôlée de l’intensité.
La distribution de l’intensité : un modèle 80/20 ou pyramidal
Pour rappel, un entrainement bien calibré est basé sur différents domaines d’intensités. Ces derniers nous permettent de calibrer l’entrainement entre basse intensité, tempo ou encore haute intensité. Les recherches de Seiler et Tønnessen ont mis en évidence que la majorité des athlètes élite adoptent naturellement un modèle où 70 à 80 % du volume est réalisé en faible intensité, tandis que le reste est réparti entre un travail modéré (autour du seuil) et une moindre portion de haute intensité. Ce schéma, parfois appelé « 80/20 », parfois « pyramidal », permet d’accumuler un volume d’entraînement hebdomadaire très élevé tout en maintenant une fatigue contrôlée.
La zone grise est située entre les deux seuils où l’intensité est trop élevée pour être totalement aérobie mais pas assez pour optimiser le VO2max. Les Norvégiens utilisent cette zone de manière précise et jamais dans un état de débordement métabolique. Si jamais cette zone est surutilisé et l’entrainement mal calibrer on pourrait voir apparaitre une fatigue disproportionnée, une certaine inefficacité métabolique et une faible transférabilité sur la performance.
À l’inverse, le volume massif à faible intensité, soutenu par les travaux de O’Hagan sur la biogenèse mitochondriale tendent à montrer une augmentation de la densité mitochondriale, du réseau capillaire et de la capacité d’oxydation des graisses. C’est ce socle physiologique qui rend ensuite possible le travail plus exigeant du seuil sans basculer trop vite dans la fatigue. J’avais déjà évoqué le sujet dans cet article : LIT vs HIT.
Le double seuil : un outil pour accumuler du temps de qualité
Le premier pilier de la méthode norvégienne est la basse intensité, le second, tout aussi important est le seuil, le double seuil. Il consiste à réaliser deux séances dans la même journée, toutes deux centrées autour du seuil lactique mais soigneusement contrôlées, par des prises de lactatémie pendant la séance.
Des études comme celles de Treff et ses collaborateurs ont montré que diviser un volume de travail de seuil en deux séances permet de maintenir plus longtemps un environnement métabolique optimal pour l’adaptation. Notamment une lactatémie modérément élevée et stable. Et surtout, en limitant la fatigue centrale et musculaire qui apparaîtrait au-delà.
Contrairement à une longue séance unique au seuil où les dernières répétitions deviennent souvent trop difficiles, le double seuil permet de conserver une intensité qualitative tout au long de la séance. Les équipes norvégiennes visent
des niveaux de lactate extrêmement précis : souvent autour de 2,5 mmol/L le matin, puis légèrement plus haut, autour de 3,5 mmol/L, l’après-midi. L’objectif n’est jamais de franchir le seuil anaérobie, qui se situe généralement autour de 4 mmol/L, mais plutôt de travailler en dessous. (Attention, les données citées en mmol/L sont à titre indicatives et doivent être personnalisées).
Iden, Bluemmenflet ou encore Jakob Ingebritsen utilisent fréquemment le tapis roulant pour ces séances. Les travaux sur l’économie de course montrent qu’une inclinaison modérée permet d’augmenter le stimulus cardiovasculaire tout en réduisant les contraintes mécaniques au sol. Ainsi, vous pouvez courir à une intensité physiologique élevée tout en limitant l’impact. Dans ce cas, vous diminuez le risque de blessure et prolongez la capacité à répéter les séances. Ce qui est primordial quand on cherche à durer dans le temps.
Le contrôle et la précision de l’intensité
Retenez contrôle et précision. Sans ça il est impossible ou presque de pouvoir utiliser cette méthode contrôlée. Trop en dessous et vous ne créés pas les adaptations souhaitées, trop a dessus et vous sériez sur une fatigue accrue, tout est dans la dose. Les athlètes et entraîneurs norvégiens considèrent le lactate comme l’indicateur le plus fiable pour s’assurer que l’on travaille exactement dans la fenêtre physiologique souhaitée. Les variations de la fréquence cardiaque, influencées par la fatigue, le stress ou la chaleur, sont parfois trop aléatoires pour offrir ce niveau de finesse.
La mesure répétée du lactate au cours des séances permet de corriger l’allure en temps réel, évitant de franchir le point où l’acidose métabolique et la fatigue neuromusculaire s’emballent. Ce contrôle permet également une progression linéaire : l’intensité augmente au fil des mois non pas parce que l’athlète force davantage, mais parce que le même niveau de lactate est atteint à une vitesse plus élevée. C’est une méthode presque clinique, où l’on cherche à maîtriser parfaitement la charge interne.
Applications pratiques, régularité et limites
Qu’est ce qui fait que cette méthode paraît révolutionnaire ? Pourquoi donne-t-elle d’aussi beau résultat ? (3 norvégien sur le podium des Championnats du monde Ironman de Nice en 2025, 2 sur les championnats du monde 70.3 de Marbella).
D’après moi, c’est la discipline qui prime, la discipline des athlètes à l’entrainement. Le volume hebdomadaire reste stable tout au long de l’année, les jours d’intensité sont bien calibrés et ce durant toute l’année.
Par contre, cette approche est difficilement duplicable. Le volume élevé, les doubles séances ou encore la nécessité de contrôler très précisément l’intensité demandent une grande expérience, une capacité de récupération appropriée, de bon moyens financiers et surtout beaucoup de temps pour s’entrainer. Un athlète débutant ou peu régulier risque de dériver rapidement vers du surménage. J’estime qu’il est aussi important de rappeler que le succès norvégien ne repose pas seulement sur la méthode. Autour de celle-ci nous pouvons retrouver une culture sportive, une précocité d’entraînement, une bonne génétique, une professionnalisation précoce ou encore un encadrement technique. La méthode n’est qu’un élément d’un système plus vaste.
Pour résumer
Les entraînements contrôlés inspirés de la méthode norvégienne représentent aujourd’hui une méthode d’entrainement des plus aboutis en endurance. Un mélange entre volume massif, faible intensité prédominante, travail au seuil extrêmement précis et maîtrise de la charge interne grâce au lactate. Pas de séance miracle trop dur mais plutôt une logique d’ensemble où chaque détail compte. L’ intensité, la récupération, le volume ou encore une technique au point permettent aux athlètes de retourner à l’entrainement le lendemain.
En combinant la distribution de l’intensité, du contrôle métabolique et de la gestion de la fatigue, la méthode norvégienne offre un modèle puissant pour développer la performance, à condition d’être appliquée avec rigueur et progressivité.














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